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En 2024, les instruments de garanties du Groupe de la Banque Mondiale (ci-après le Groupe ou le Groupe de la BM) [1] ont fait l’objet d’une réforme majeure d’ensemble. Celle-ci s’est traduite par le regroupement depuis le 1 juillet 2024 des différents instruments au sein d’une plateforme commune et sous l’égide de la MIGA, afin de faciliter l’accès aux garanties par les utilisateurs[2].
[1] Le Groupe de la Banque Mondiale comprend la Banque Mondiale au sens strict avec la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD/IBRD en anglais) et pour les pays les plus pauvres l’Association Internationale de Développement (AID/IDA), l’Agence multilatérale de garantie des investissements (la MIGA), la Société financière internationale (la SFI/IFC) et le Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements (le CIRDI/ICSID). Bien qu’institution dédiée au règlement des différends d’investissement notamment par voie d’arbitrage et non institution financière, le CIRDI partage le même objectif général de soutien aux investissements privés internationaux et coopère avec les autres agences.
[2] « Une nouvelle plateforme des garanties pour plus de simplicité, d’efficacité et d’impact sur le développement » communication, 11 avril 2024, Banque Mondiale www.banquemondiale.org / « Plateforme de Garantie du Groupe de la Banque Mondiale, offrir la simplicité et l’accès » MIGA 1er juillet 2024 www.miga.org. Voir aussi Plateforme de Garantie du Groupe de la Banque Mondiale, note, 6 mars 2025 www.banquemondiale.org.
A/ Aperçu des différents instruments de garantie du Groupe
Historiquement, chacune des institutions financières du Groupe dispose de ses propres garanties. Ces garanties peuvent être regroupés en 3 catégories principales de produits[1] ;
La première catégorie comprend des garanties contre les principaux risques politiques pouvant affecter investisseurs et préteurs du secteur privé. Ces garanties sont traditionnellement proposées par la MIGA, l’investisseur pouvant choisir à la carte les risques politiques qu’il souhaite couvrir[2].
La seconde catégorie de produits comprend des garanties ayant principalement pour objet de diminuer le risque de crédit et protéger les prêteurs du secteur public ou du secteur privé contre un défaut de paiement, ou le non-respect d’obligations financières, par un emprunteur public ou privé. Ces garanties visent par exemple à améliorer la solvabilité des emprunteurs allonger la durée des prêts et diminuer leur cout, ou faciliter l’accès des emprunteurs aux marchés de capitaux. Certaines de ces garanties proposent une couverture globale contre les risques politiques et commerciaux, d’autres couvrent des obligations financières en monnaie locale comme en devises convertibles. Ces produits sont offerts par la SFI, la Banque Mondiale, et la MIGA[3].
La 3s catégorie de garanties, proposée depuis peu par la MIGA, vise à faciliter certaines transactions à court terme du commerce international.
[1] Pour les produits traditionnels de garantie du Groupe, voir par exemple « Produits de garantie du Groupe de la Banque Mondiale », Note d’orientation, 20 Avril 2016, World Bank Group Publications, ppp.worldbank.org
[2] Les risques politiques couverts par la MIGA sont les risques d’expropriation, deguerres et de troubles civils, de rupture d’un contrat entre un Etat ou une entitéétatique etun investisseur, de non convertibilité en devises et de restrictions de transferthors du pays hôte
[3] La MIGA propose dans certains pays et sous certaines conditions un produit de rehaussement de crédit pour des prêts via des garanties globales couvrant le non-respect de certaines obligations financières par un Etat, une entité ou une entreprise publique (Non Honoring of Financial Obligations). La Banque Mondialepropose 2 grands types d’instruments de garanties de prêts en faveur de prêteurs privés et publics : les garanties à l’appui de reformes et les garanties de projet à l’appui de projets d’investissements particuliers, généralement de taille importante tels les projets d’infrastructure, qui sont les garanties les plus courantes. Les garanties de la SFI sont réservées aux préteurs (et opérateurs) du secteur privé ;
B/ Evolution et bilan de l’utilisation des garanties du Groupe de la Banque Mondiale jusqu’ à la période actuelle
Au cours des années, le portefeuille de garanties du Groupe a connu une croissance significative. Depuis sa création en 1988, la MIGA a couvert plus de 1000 projets pour un montant total de garanties émises supérieur à 75 milliards de dollars. Le montant total des engagements de garanties de la BIRD/IDA a dépassé 11 milliards de dollars et celui de la SFI 5 milliards. L’encours brut total de garanties de la MIGA pour 2024 était de $31.5 milliards.
Des efforts de modernisation et de coordination des produits et des politiques opérationnelles du Groupe en matière de garantie ont été entrepris à plusieurs reprises. La coopération avec les autres acteurs privés et publics du marché global des garanties du risque politique et du risque de crédit, dont les autres Banques Multilatérales de Développement (BMD), s’est accrue.
Selon des travaux récents, cependant, les moyens du Groupe de la Banque Mondiale et des autres BMD n’ont pas nécessairement été exploités au maximum de leurs capacités. En 2022, des experts nommés par les pays du G20 ont constaté que les différents « stakeholders » des BMD, y compris les agences de notation, avaient globalement surestimés les risques financiers auxquels les BMD faisaient face.
Ces experts ont proposé plusieurs moyens pour utiliser les fonds propres des BMD de manière plus efficace et maximiser leurs capacités de mobiliser des financements privés, en particulier via un emploi accru des garanties dont le potentiel n’avait pas été suffisamment exploité selon eux.[1] Ces propositions ont été ensuite synthétisées par le G20 dans une Feuille de Route visant à leur mise en œuvre par les différentes BMD[2].
En 2023 et 2024, le Groupe de la BM a procédé, de concert avec des dirigeants du secteur privé via un Laboratoire de l’Investissement Privé, à un examen détaillé des moyens d’appliquer les recommandations du G20. Les activités en matière de garanties ont fait l’objet d’une analyse des obstacles à leur utilisation et d’une refonte visant à faciliter de manière pratique un accès accru à ces instruments avec un plus grand souci d’efficacité.
[1] “Boosting MDBs’ investing capacity. (2022). An Independent Review of Multilateral Development Banks’ Capital Adequacy Framework”
[2] “G20 Roadmap for the Implementation of the Recommendations of the G20 Independent Review of Multilateral Development Banks’ Capital Adequacy Framework”, July 2023
C/ Obstacles à une utilisation accrue des garanties du Groupe de la Banque Mondiale
Les garanties du Groupe (avec près de 20 instruments différents) sont souvent perçues comme des instruments complexes et le recours à celles-ci comme un processus long et couteux.
Malgré les efforts de coordination, les solutions de garantie restent fragmentées et dispersées au sein des différentes institutions et les offres de garantie relèvent généralement de politiques et de procédures de souscription différentes. Chaque institution propose ses propres contacts. Ceci limite la capacité de développer des projets communs .
D/ Principaux éléments de la récente réforme des garanties
Le principal objectif de la réforme est de tripler le volume annuel de garanties émises pour le porter à au moins 20 milliards de dollars par an en 2030.
La principale mesure de la réforme est la mise en place d’une nouvelle plateforme commune de garanties regroupant sous un même toit, celui de la MIGA, les instruments de garanties et les experts en garantie du Groupe. Cette initiative offre aux utilisateurs l’équivalent d’un « guichet unique » permettant, sous l’égide et avec l’aide de la MIGA, de proposer un menu intégré et unique des produits de garanties offerts par le Groupe, et par la suite des solutions de garantie sur mesure aux investisseurs et aux préteurs.
Le recours à une plateforme commune et à un processus centralisé permettra d’optimiser l’étude des risques, de rationaliser l’utilisation des différents instruments de garantie, de renforcer l’effet de levier des instruments et d’augmenter la capacité globale du Groupe de délivrer des garanties.
Une telle plateforme devrait faciliter la coordination avec les autres instruments financiers du Groupe et la coopération avec les autres acteurs du marché des garanties dont les BMD.
Au niveau géographique, l’accès à la plateforme et aux garanties se fera en particulier via le site des garanties du Groupe[1] et des personnes contact dans les bureaux régionaux et les bureaux pays de la MIGA et au niveau du siège de celle-ci à Washington.[2]
[1] https://www.worldbank.org/wbgguarantees
18 MIGA World Bank Group 1818 H street NW Washington DC 20433 USA. migainquiry@worldbank.org
E/ Remarques
La récente refonte des garanties du Groupe de la BM est innovante et représente l’aboutissement d’efforts réguliers d’amélioration des produits et des politiques existantes.
Apres des années d’incertitudes sur le rôle et la place exacts des instruments de garantie par rapport aux autres instruments financiers des BMD, les travaux récents du G20 et la refonte des garanties du Groupe consacrent l’importance de ces instruments comme facteur essentiel de mobilisation des financements privés en faveur du développement.
Alors que les premiers projets dans le cadre de la réforme sont en cours de finalisation, le domaine des garanties reste complexe et la montée en puissance de la nouvelle approche sera progressive.
A terme, le regroupement des moyens existants et l’augmentation prévue des ressources au cours des années qui viennent devraient donner naissance, tant en termes de volume de garanties émises que d’expertise, à un pôle majeur d’excellence à l’échelle mondiale.
Bertrand Marchais
A été: Conseiller Juridique Principal et Business Development Advisor Responsable du développement du bureau européen de la MIGA, basé à Washington DC et à Paris, Conseiller Juridique au CIRDI, Professeur associé de Finances, Audencia Business School
English version
In 2024, the guarantee instruments of the World Bank Group (hereinafter referred to as the Group or the WB Group [1]) underwent a comprehensive reform. This resulted on July 1, 2025 in the consolidation of the various instruments into a new common platform under the auspices of MIGA, in order to facilitate access to guarantees by users[2].
A/ Overview of the various guarantee instruments
Historically, each of the Group’s financial institutions has had its own guarantees. These guarantees can be grouped into three main product categories[1]:
The first category includes guarantees against the main political risks that may affect private sector investors and lenders. These guarantees are traditionally offered by MIGA, with investors able to choose the political risks they wish to cover on an à la carte basis[2].
The second category of products includes guarantees primarily designed to reduce credit risk and protect public or private sector lenders against payment defaults or non-compliance with financial obligations by a public or private borrower. These guarantees aim, for example, to improve borrowers’ creditworthiness, extend the term of loans and reduce their cost, or facilitate borrowers’ access to capital markets. Some of these guarantees offer comprehensive coverage against political and commercial risks, while others cover financial obligations in local currency as well as in convertible currencies. These products are offered by the IFC, the World Bank, and MIGA[3].
The third category of guarantees, recently offered by MIGA, aims to facilitate certain short-term international trade transactions.
B/ Evolution and assessment of the use of World Bank Group guarantees to date
Over the years, the Group’s guarantee portfolio has grown significantly. Since its creation in 1988, MIGA has covered more than 1,000 projects for a total amount of guarantees issued in excess of $75 billion. The total amount of IBRD/IDA guarantee commitments has exceeded $11 billion and that of the IFC $5 billion. MIGA’s outstanding gross guarantee exposure was $31.5 billion in 2024.
Efforts to modernise and coordinate the Group’s guarantee products and operational policies have been undertaken on several occasions. Cooperation with other private and public actors in the global political risk and credit risk guarantee market, including other Multilateral Development Banks (MDBs), has increased.
However, recent studies suggested that the resources of the World Bank Group and other MDBs have not necessarily been used to their full potential. In 2022, experts appointed by the G20 countries found that the various stakeholders of MDBs, including rating agencies, had generally overestimated the financial risks faced by MDBs.
These experts proposed several ways to use MDBs’capital more effectively and maximise their capacity to mobilise private financing, in particular through increased use of guarantees, whose potential they believed had not been sufficiently exploited[1]. These proposals were then summarised by the G20 in a Roadmap for implementation by the various MDBs[2].
In 2023 and 2024, the World Bank Group, in collaboration with private sector CEOs through a Private Sector Investment Lab, conducted a detailed review of ways to implement the G20 recommendations. Guarantee activities were subject to an analysis of the obstacles to their use and a restructuring aimed at facilitating increased access to these instruments in a practical manner with a greater focus on efficiency.
C/ Obstacles to increased use of World Bank Group guarantees
The Group’s guarantees (with nearly 20 different instruments) are often perceived as complex instruments, and the process of obtaining them is often seen as lengthy and costly.
Despite coordination efforts, guarantee solutions remain fragmented and scattered across different institutions, and guarantee offerings are generally subject to different policies and underwriting procedures. Each institution has its own contacts. This limits the capacity to develop joint projects.
D/ Key elements of the recent guarantee reform
The main objective of the reform is to triple the annual volume of guarantees issued to at least $20 billion per year by 2030.
The main measure of the reform is the establishment of a new common guarantee platform bringing together the Group’s guarantee instruments and guarantee experts under one common roof, that of MIGA. This initiative offers users the equivalent of a ‘one-stop shop’ that makes it possible, under the auspices and with the assistance of MIGA, to propose an integrated and unique menu of guarantee products offered by the Group, and subsequently tailor-made guarantee solutions to investors and lenders.
The use of a common platform and a centralised process will facilitate risk assessment optimization, and make it possible to streamline the use of different guarantee instruments, enhance the leverage effect of the instruments and increase the Group’s overall capacity to issue guarantees.
Such a platform should facilitate coordination with the Group’s other financial instruments and cooperation with other players in the guarantee market, including MDBs.
Geographically, access to the platform and guarantees will be provided primarily through the Group’s guarantee website[1] and contact persons in MIGA’s regional and country offices and at its headquarters in Washington[2].
E/ Remarks
The recent restructuring of the World Bank Group’s guarantees is innovative and represents the culmination of ongoing efforts to improve existing products and policies.
After years of uncertainty about the exact role and place of guarantee instruments in relation to other MDB financial instruments, recent work by the G20 and the reform of the Group’s guarantees firmly confirm the importance of these instruments as an essential factor in mobilising private financing for development.
While the first projects under the reform are being finalised, the field of guarantees is complex and the ramp-up of the new approach will take time.
Ultimately, the pooling of existing resources and the planned increase in resources over the coming years should give rise to a major centre of excellence on a global scale, both in terms of the volume of guarantees issued and expertise.
Bertrand Marchais
Former: Lead Counsel and Business Development Advisor in charge of developing MIGA’s European office, based in Washington DC and Paris,
Senior Counsel at ICSID,
Associate Professor of Finance, Audencia Business School
[1] The World Bank Group comprises the World Bank in the strict sense, with the International Bank for Reconstruction and Development (IBRD) and, for the poorest countries, the International Development Association (IDA), the Multilateral Investment Guarantee Agency (MIGA), the International Finance Corporation (IFC) and the International Centre for Settlement of Investment Disputes (ICSID). Although ICSID is an institution dedicated to the settlement of investment disputes, particularly through arbitration, and not a financial institution, it shares the same overall objective of supporting international private investment and cooperates with the other agencies.
[2] A new guarantee platform for greater simplicity, efficiency and impact on development’ communication, 11 April 2024, World Bank www.banquemondiale.org / ‘World Bank Group Guarantee Platform”, World Bank and MIGA notes, 1 July 2024 and March 6, 2025: www.worldbank.org and www.miga.org
[3] For the Group’s traditional guarantee products, see for example ‘World Bank Group Guarantee Products’, Guidance Note, April 1, 2016, World Bank Group Publications, ppp.worldbank.org
[4] The political risks covered by MIGA are the risks of expropriation, war and civil unrest, breach of contract between a State or State entity and an investor, currency inconvertibility, and restrictions on transfers out of the host country
[5] In certain countries and under certain conditions, MIGA offers a credit enhancement product for loans through global guarantees covering the non-honouring of certain financial obligations by a state, a public entity or a public enterprise (Non-Honouring of Financial Obligations). The World Bank offers two main types of loan guarantee instruments for private and public lenders: policy-based guarantees, and project-based guarantees in support of specific investment projects, generally large-scale projects such as infrastructure projects, which are the most common guarantees. IFC guarantees are reserved for private sector lenders (and operators).
[6] “Boosting MDBs’ investing capacity. (2022). An Independent Review of Multilateral Development Banks’ Capital Adequacy Framework”
[7] “G20 Roadmap for the Implementation of the Recommendations of the G20 Independent Review of Multilateral Development Banks’ Capital Adequacy Framework”, July 2023
[8] https://www.worldbank.org/wbgguarantees
[9] Multilateral Investment Guarantee Agency/MIA, World Bank Group, 1818 H Street, NW, Washington DC 20433 USA. migainquiry@worldbank.org