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Cette chronique est la première d’une série qui dans les prochaines livraisons d’Africadroit fera l’objet d’informations sur l’actualité du droit OHADA, y compris et surtout la jurisprudence de la CCJA.
Une organisation d’intégration régionale unique, pour le droit des affaires
Le développement des échanges et des investissements dans un monde aussi mouvant et à risques a rendu évident le besoin de sécurité juridique et judiciaire des activités des entreprises, moteurs du développement économique. Le temps long, nécessaire au développement du droit n’a pas permis dans la plupart des pays du monde à développer un état de droit suffisant.
L’Afrique francophone n’a pas échappé à cette situation.
L’Etat de droit déliquescent y procédait de deux facteurs principaux :
- D’une part, des législations anciennes, insuffisantes quant aux questions traitées, devenues inadaptées, qui dans nombre de pays n’étaient que la législation française du début du XXème siècle.
- D’autre part et de façon parallèle au fond du droit, des institutions judiciaires affaiblies, trop souvent gangrenée par la corruption, ayant souvent perdu la nécessaire crédibilité et la confiance des justiciables, et de ce fait ne garantissant plus la sécurité juridique qu’attend tout investisseur sérieux, qu’il soit national ou étranger et entravant de ce fait le développement des Etats ont conduit les Etats membres de la zone franc, à se regrouper.
Cette extrême faiblesse de l’Etat de droit a, paradoxalement, suscité une révolution juridico- juridictionnelle. Il en est ressorti une Organisation internationale originale, devenue source d’un droit des affaires uniformes pour 17 Etats d’Afrique, première exemple au monde d’une législation uniforme dans un secteur du droit aussi important que vaste pour la vie économique qu’est devenu le droit des affaires. Aucune autre organisation internationale ou d’intégration régionale, même l’Europe des 27 n’a, à ce jour, réussi à se doter d’un droit uniforme des affaires.
La CCJA, Cour suprême, est compétente pour connaître, en cassation, des pourvois contre les décisions rendues en dernier ressort en application des Actes uniformes de l’OHADA par les juridictions nationales des États parties. Comme juge de cassation, elle a le pouvoir d’évoquer afin de vider le contentieux au fond, sans aucun renvoi à une juridiction nationale. La Cour commune de Justice et d’Arbitrage est une des rares expériences de transfert de souveraineté judiciaire dans le monde.
Un base institutionnelle solide dont une Cour suprême unique aux 17 Etats
Ce droit s’est construit sur une base institutionnelle articulée autour des organes que sont la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, organe suprême de l’OHADA, le Conseil des ministres qui adopte les lois appelées actes uniformes, le Secrétariat permanent, organe exécutif chargé de la préparation et du suivi des Actes uniformes, l’École Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) et surtout de la Cour commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA (CCJA).
Le Traité créant l’OHADA, sorte de traité de Rome, s’applique non pas à la libre circulation des biens, des personnes et des capitaux mais au droit des affaires. Reprenant le principe fondamental du droit européen, le Traité relatif à l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, prévoit que les actes uniformes sont « directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure » (article 10 du Traité). Les caractéristiques de ce droit uniforme
Cette révolution que constitue l’existence d’une CCJA qui se substitue à 17 Cours suprêmes, dans tous les domaines du droit des affaires couverts par le droit uniforme, repose sur des caractéristiques originales de l’OHADA que sont :
- Une indépendance de la justice vis-à-vis des pouvoirs quels qu’ils soient, politiques, religieux ou ethniques, rendue possible. La composition de la Cour (au maximum deux juges par Etat, a pour conséquence qu’un justiciable qui dans un des pays membres était victime d’un déni de justice car ne bénéficiant pas d’appuis suffisants, n’appartenait pas à tel groupe dominant ou se trouvait sur le chemin d’intérêts puissants, verra désormais avec cette Cour suprême son dossier tranché par des juges totalement indépendants des Autorités de son pays ou de groupes d’intérêts de son pays
- Une dynamique juridique qui emporte certaines résistances de catégories de professionnels du monde judiciaire et para- judiciaire.
- La vague de fonds et l’enthousiasme des juristes africains, étudiants, universitaires et praticiens qui soutiennent le développement de ce droit. L’OHADA, grâce à la présence en son sein de la Guinée Bissau lusophone, du Cameroun partiellement anglophone et de la Guinée équatoriale hispanophone a conduit à traduire en anglais, en portugais et en espagnol les Actes uniformes. L’OHADA a dès lors vocation à s’étendre dans les autres pays d’Afrique anglophones et lusophones, voire d’Amérique latine.
- Une dynamique intellectuelle qui se traduit par des travaux scientifiques, développe une réflexion, des enseignements, une doctrine, considérablement plus abondants qu’à l’époque des droits nationaux limités à ce qu’il était possible de faire dans des Etats à la dimension économique modeste, et ce grâce à la multiplication des juridictions et des juges statuant sur un même droit des affaires,
- La convergence de ce droit uniforme des affaires avec l’émergence des technologies de l’information (par exemple le mouvement d’informatisation du registre du commerce et du crédit mobilier) qui sont de plus en plus présentes dans le monde du droit et de la justice en Afrique, facilitant grâce à internet le décloisonnement des savoirs et des pratiques du droit dans l’ensemble des pays OHADA. L’informatisation progressive des procédures judiciaires génère de la transparence, facilite les contrôles et rend plus difficile les pratiques corruptives.
- Le nombre d’arrêts rendus et leur publication, dans chaque domaine du droit des affaires par la CCJA d’affiner les conditions d’application des actes uniformes et de mieux assurer la sécurité juridique des affaires.
Les domaines du droit des affaires couverts par le droit OHADA
Le nombre de domaines couverts par les actes uniformes entrainant une dynamique générale du droit des affaires. Ainsi la première série d’Actes uniformes est entrée en vigueur dès 1998, d’autres été adoptés ultérieurement, certains Actes uniformes de la «première génération» ont été révisés ou remplacés ces dix dernières années
- Acte uniforme relatif à la médiation
- Acte uniforme nouveau relatif au droit de l’arbitrage
- Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière
- Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
- Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
- Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général
- Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés
- Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives
- Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route
- Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
- Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises
- Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage
- Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
Certes l’OHADA et ses institutions connaissent et connaitront des difficultés, elles sont mineures au regard de l’apport fondamental du système juridique de l’OHADA devenu essentiel pour l’assainissement du climat des affaires et à la promotion des investissements en Afrique comme le confirment les différents Rapports Doing Business de la Banque mondiale, faisant reculer l’Africa-bashing des années 90 et du début des années 2000. Le droit des affaires de l’espace OHADA contribue ainsi au développement économique, participe à la création d’un vaste marché intégré permettant à l’Afrique francophone de redevenir une destination de confiance pour des investisseurs.
ENGLISH VERSION
This column is the first in a series appearing in the upcoming deliveries of Africadroit that will provide information on current developments in OHADA law, including and, in particular, the jurisprudence of the CCJA.
A unique regional integration organisation for business law
The development of trade and investment in such a changing and risky world has made clear the need for legal and judicial certainty of companies’ activities, that are the drivers of economic development. The long time required for the development of the law has not allowed in most countries of the world for a sufficient rule of law to be developed.
Francophone Africa has not escaped this situation.
The deliquescent rule of law was based on two principle factors:
On the one hand, old legislation, insufficient in terms of the issues dealt with, which have become inadequate, and which in many countries was only the French legislation dating from the beginning of the 20th century.
On the other hand, and in parallel to the substance of the law, weakened judicial institutions, too often plagued by corruption, having often lost the necessary credibility and confidence of litigants, and thus no longer guaranteeing the legal security that any serious investor expects, whether domestic or foreign and thus hindering the development of states, have led the member states of the free zone, to regroup.
Paradoxically, this extreme weakness of the rule of law has sparked a legal and jurisdictional revolution. The result was an original international organization, which has become a source of uniform business law for 17 African states, the first example in the world of uniform legislation in an area of law as important as it is wide ranging for economic life that has become business law. No other international or regional integration organisation, even the Europe of 27 member States, has so far managed to establish a uniform business law.
The Common Court of Justice and Arbitration (or “CCJA”), the Supreme Court, has jurisdiction to hear appeals from final decisions under the OHADA Uniform Acts by the national courts of the member States.. As a judge of final instance, the CCJA has the power to raise the issue in order to clear the case on the merits, without any referral to a national court. The CCJA is one of the few instances in the world where there is a transferral of judicial sovereignty.
A strong institutional base including a single Supreme Court in the 17 states
This right was built on an institutional basis built around the bodies that are the Conference of Heads of State and Government, the supreme body of OHADA, the Council of Ministers which adopts laws called uniform acts, the Permanent Secretariat, the executive body responsible for the preparation and monitoring of uniform acts, the Regional Higher School of Magistrates (or “ERSUMA”) and especially the CCJA.
The Treaty creating OHADA, a kind of Treaty of Rome, applies not to the free movement of goods, people and capital but to business law. Taking up the fundamental principle of European law, the Treaty on the Harmonization of Business Law in Africa provides that uniform acts are “directly applicable and mandatory in the Member States, notwithstanding any contrary provision of domestic law, past or future” (Article 10 of the Treaty).
This revolution of the existence of a CCJA, which replaces 17 Supreme Courts, in all areas of business law covered by the uniform law, is based on original OHADA characteristics which are as follows :
- An independence of the judiciary from any political, religious or ethnic powers, that is made possible. The composition of the Court (maximum two judges per Member State, has the consequence that where a litigant who is in one of the Member States is the victim of a miscarriage of justice because he/she did not have sufficient support, did not belong to a particular dominant group, or was in the way of powerful interests, will now have his/her case decided by judges who are totally independent of the authorities of his/her country, or interest groups in his/her country.
- A legal dynamic that carries with it some resistance from categories of professionals in the judicial and para-judicial world.
– The wave of funds and enthusiasm of African lawyers, students, academics and practitioners who support the development of this law. OHADA, thanks to the presence of Portuguese-speaking Guinea Bissau, partially English-speaking Cameroon and Spanish-speaking Equatorial Guinea, has led to the translation of the Uniform Acts into English, Portuguese and Spanish. OHADA is therefore intended to expand into other English-speaking, Portuguese-speaking and even Latin American countries in Africa.
- An intellectual dynamic that translates into scientific work, develops a reflection, teachings, a doctrine, considerably more abundant than at the time of national laws limited to what was possible to do in states with a modest economic dimension, thanks to the multiplication of courts and judges ruling on the same business law,
- The convergence of this uniform business law with the emergence of information technologies (e.g. the computerization of the register of trade and personal credit) which are increasingly present in the world of law and justice in Africa, facilitating through the Internet the decommissioning of knowledge and legal practices in all OHADA countries. The gradual computerization of judicial proceedings generates transparency, facilitates controls and makes corrupting practices more difficult.
- The number of judgments rendered by the CCJA and their publication, in each area of business law, to refine the conditions for the application of Uniform acts and to better ensure the legal certainty of cases.
The areas of business law covered by OHADA law
The number of areas covered by Uniform Acts leads to a general dynamic of business law. Thus the first series of Uniform Acts came into force in 1998, others were adopted later, some Uniform Acts of the “first generation” have been revised or replaced in the last ten years
Uniform Act on Mediation
New Uniform Act on Arbitration Law
Uniform Act on Accounting Law and Financial Reporting
Uniform act involving the organisation of collective procedures for the clearing of liabilities
Revised Uniform Act on Corporate and Economic Interest Law
Revised Uniform Act on General Trade Law
Revised Uniform Act on the organization of securities
Uniform Act on Co-operative Company Law
Uniform Act on Road Freight Contracts
Uniform Act involving simplified insolvency procedures and enforcement procedures
Uniform Act of organizing and harmonizing corporate accounts
Of course OHADA and its institutions are facing and will continue to face difficulties, but these are minor in view of the fundamental contribution of OHADA’s legal system, which has become essential for the consolidation of the business climate and for the promotion of investment in Africa, as confirmed by the various Rolling Business Reports of the World Bank, pushing back Africa-bashing in the 1990s and early 2000s. OHADA’s business law thus contributes to economic development, helping to create a vast integrated market that will enable French-speaking Africa to once again become a trusted destination for investors.
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