La présente note est issue de l’expérience personnelle de l’auteur en Afrique notamment, depuis plus de 35 ans comme Conseil d’entreprises privées, de la Banque mondiale et d’Etats. On verra successivement la nécessaire adaptation au contexte pour une sécurisation renforcée (1.1.), une approche multifacteurs (1.2.) et dans la livraison suivante de la Newsletter d’Africadroit la seconde partie de cette note consacrée à la méthode à suivre pour constituer un dossier d’investissement (2.1.) et aux domaines sur lesquels il doit porter (2.2.). See english version below.
- Adaptation au contexte et approche multifacteurs
1.1. L’investissement en Afrique : Adaptation au contexte pour une sécurisation renforcée
Ce titre « droit et pratique de l’investissement » suggère délibérément que le droit et la pratique sont trop souvent des réalités différentes, des parallèles qui ne se rejoignent pas. Il convient de préciser avant tout que l’Etat de droit des affaires en Afrique (droit fiscal, douanier, social, du secteur d’activité, etc.) et surtout sa mise en œuvre, ne sont pas exactement les mêmes qu’en Europe. Les causes en sont multiples, mais seraient trop longues à analyser. Le droit s’y développe pourtant et considérablement. De plus en plus d’activités économiques sont « juridicisées » et leur règles clarifiées. L’intégration juridique comme celle réalisée par l’Organisation pour l’Harmonisation du droit des affaires (OHADA) dans la zone franc, est unique au monde et un vrai succès. L’OHADA marque une avancée considérable de l’Etat de droit dans le secteur des affaires, (voir dans ce même numéro « Chronique du droit OHADA »). Mais il reste beaucoup de points négatifs et le rapport au droit et à ses procédures est différent de celui communément accepté dans les pays de l’OCDE. Trop souvent détournée par l’administration, qui n’en connaît que ce qui peut accroitre son pouvoir, la règle de droit devient un prétexte à des « droits de péage » prélevés essentiellement sur ceux qui n’ont pas le « relationnel » nécessaire ou qui n’ont pas prévu les moyens d’éviter les pressions ou d’en cantonner les effets. Ceci appelle une réponse adaptée. Ainsi l’entrepreneur étranger, nouveau dans le pays, devra respecter scrupuleusement les règles, surtout en valider la pratique au préalable. Etre parfaitement en règle sur le plan juridique, est une condition nécessaire mais non suffisante. L’administration recherchera rarement la bonne foi de l’investisseur pour l’absoudre d’une erreur. La plus grande prudence s’impose donc. Verrouiller les risques juridiques et juridictionnels, dès le départ et au fur et à mesure de l’exécution de l’investissement, apparait fondamental. Ce qui suppose de prendre en compte tous les aspects du rapport au droit et de ne pas ignorer les sciences humaines comme la sociologie ou l’anthropologie juridique (Raymond Verdier, Etienne Le Roy). Un juriste en mesure d’identifier toutes les contraintes juridiques mais aussi capable d’accéder directement ou indirectement aux administrations nationales et aux personnels, connaissant les pratiques et les milieux d’affaires locaux, sera indispensable. Il s’agit d’aller au-delà de la check list classique et de comprendre/identifier un ensemble d’éléments qui vont permettre à l’investissement de prospérer ou non.
1.2 Une approche multifacteurs
L’évaluation globale d’un projet d’investissement seront naturellement différente s’il s’agit d’une reprise d’une entreprise déjà existante, de simples actifs, de la création d’une entreprise totalement nouvelle ou si l’entreprise quelle qu’elle soit, est destinée à évoluer dans le cadre d’un partenariat (joint ventures). Le secteur d’activité et le contexte institutionnel seront eux aussi déterminants pour la réussite du projet.
Les points à traiter, différents dans tous les cas, devront couvrir le maximum de questions souvent très concrètes, voire meta-juridiques que les « due diligences » ignorent largement. Ils pourront porter sur les questions suivantes qui sont loin d’être exclusive:
- Existence d’un personnel étranger détaché ou du personnel local, employé par l’entreprise?
- Le matériel nécessaire à l’activité sera-t-il importé ou de fabrication locale.
- Existe-il une régime fiscal, social, douanier spécifique à l’activité des entreprises intervenant dans le secteur, ou le droit commun seul s’applique t il ?
- Faut-il, pour ce type d’activité, des agréments de l’administration? Nature et facilité d’obtention des agréments et autres autorisations ?
- Quelles sont les garanties de paiement de l’entreprise par des cocontractants?
- Y a-t-il dans le secteur outre les règles nationales, des normes internationales en matière d’environnement, précises et acceptées?
- Existence et compétence d’un tribunal de commerce où arbitrage en cas de difficultés?
- Si l’acquisition de biens immobiliers ou de foncier est nécessaire, quel est le régime applicable à ces acquisitions et à leur usage. Plus spécifiquement, y a-t-il nécessité ou non de disposer de parcelles du domaine public et régime des concessions du domaine ?
- Etat et réglementation du marché pour l’activité à créer ou selon le cas de l’activité reprise.
- L’entreprise sera-t-elle en concurrence dans le sous secteur d’activité avec certains groupes dont les pratiques ne correspondent pas aux normes internationales généralement acceptées? Stratégie à adopter dans ce dernier cas ?
Il conviendra de voir toutes les implications fiscales, douanières, sociales, de société qui vont avec l’existence d’une société en général et dans le cas de l’entreprise s’il existe des dérogations/facilitations en raison de la nature de l’activité de l’entreprise (environnement). On pourra aussi utiliser les services d’organisme public pour la promotion de l’investissement en CI) peut être un appui au démarrage de l’implantation, mais cela reste un organisme public avec ses limites.
(La seconde partie traitera de la méthode à suivre pour constituer un dossier d’investissement (2.1.) et aux domaines sur lesquels il doit porter (2.2.).
ENGLISH VERSION
This memorandum is based on the personal experience of the author, notably in Africa, for over 35 years, as counsel to private companies, the World Bank and sovereign States. This memorandum covers, successively, the necessary adaptation to the specific context in order to have a reinforced protection (1.1), a multifactor approach (1.2), and in the following issue of the Africadroit newsletter the second part of this memorandum will focus on what is to be done regarding the compilation of an investment file (2.1), and the areas in relation to which this file must relate (2.2).
- Adaptation to the specific context of Africa and the multifactor approach
1.1. Investment in Africa : Adaptation to the specific context of Africa for the purposes of a reinforced protection
The title of this memorandum « investment law and practice » deliberately suggests that the law and the practice are often, in fact, very different, paralells that remain separate. It should be mentioned, and prior to anything else, that the state of business law in Africa (tax law, customs law, labour law, for the sector of activity, etc) and particularly regarding its application, are not exactly the same as in Europe. The reasons for this are many, but would take too long to analyse. That being said, business law in Africa is evolving, and considerably so. More and more economic activities are “legalized” and their rules clarified. The legal integration carried out by the Organization for the Harmonization of Business Law (OHADA) in the Franc area, is unique in the world, and a real success. OHADA reflects a considerable step forward of the State of law in the business sector (see in this issue “The History of OHADA Law”). There remain, however, numerous negative points and the relation to the law and its procedures is different to that commonly accepted in OECD countries. Too often taken over by the administrative authorities, which only accept what increases their own power, the rule of law becomes a pretext for “toll fees”, which are for the most part taken from those who do not have the necessary contacts, or who have not anticipated how to avoid pressure, or how to limit its effects. This calls for an adapted response. Thus, the foreign entrepreneur who is new to the country, will have to scrupulously comply with the rules and, most importantly, approve the practice from the outset. Being perfectly in order, from a legal point of view, is a necessary but not a sufficient condition. The administrative authorities will rarely verify the good faith of the investor to absolve it of a mistake. A considerable amount of care should therefore be taken. Eliminating the legal and jurisdictional risks from the outset, as well as during the course of the investment, appears to be fundamental. This presupposes that all legal aspects are taken into account and that social sciences such as sociology, or legal anthropology (Raymond Verdier, Etienne Le Roy) are not overlooked. A lawyer who is able to identify the legal constraints and who is also able to access directly, or indirectly, national administrative authorities and personnel, and who knows the local practices and business environement, will be indispensable. In this regard, it is necessary to go beyond the traditional check list and to understand/identify a group of elements that will enable the investment to prosper, or not.
1.2 Multifactor approach
The overall evaluation of an investment project will naturally be different if it concerns the taking over of an already existing company, or just assets, the creation of an entirely new company, or if the company whatever it is, is destined to evolve in the context of a partnership (joint venture). The activity of the sector and the institutional context will also be determining elements as far as the success of the project is concerned.
The points to be dealt with, which are different in every case, will have to cover as many very precise, meta-legal questions as possible, which “due diligences” broadly overlook. These points could concern the following questions, and which are far from exhaustive :
- Existence of foreign personnel on secondment, or local personnel employed by the company?
- As regards the equipment necessary for the activity, will it be imported or manufactured locally.
- Is there a tax, labour, customs regime specific to the activity of the companies that operate in the sector, or does common law on its own apply?
- Is it necessary for this type of activity to obtain authorisations from the adminstrative authorities? What is the nature of the authorisations and how easy is it to obtain them and other authorisations ?
- What are the garantees of payment for the company by contracting parties?
- Does there exist in the sector, in addition to the national rules, specific and recognized international norms regarding the environment?
- Does there exist a commercial or arbitration court that has jurisdiction in the event of difficulties?
- If it is necessary to acquire property or land, what is the legal regime applicable to these acquisitions, and their practice. More specifically, is it necessary, or not, to have land that is in the public domain, and what is the concession regime applicable to the land?
- The status and market regulations for the activity in question that is to be created or, depending on the matter in point, the activity that is to be taken over.
- Will the company be in competition in the sub sector of the activity with certain groups whose practices do not correspond to generally accepted international norms? What is the strategy to be adopted in the latter case?
All the tax, customs, labour and company implications relating to the existence of the company in general should be looked at and, as regards the company, whether there exist derogations/facilitations by reason of the activity of the company (environment). The services of a public body for the promotion of the investment could also be used to help in the starting up of the implementation, but that being said this remains a public body, with the contraints of a public body.
(The second part of the memorandum will deal with the way in which the investment file is to be be prepared (2.1), and the areas in relation to which it may be made (2.2)).
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